Qui paiera la hausse des matières premières ? Et ce n’est pas forcément celui que l’on croit !

Avec la reprise économique qui se profile, le prix des matières premières flambe. Aucun secteur n’est épargné. En particulier, celui des produits de grande consommation (alimentaire, hygiène, cosmétique, textile, bazar,…) ; en somme, les produits que l’on trouve en supermarché. Les fabricants de ces produits vont subir une double pression car ce secteur repose sur une opinion communément admise : la Grande distribution est garante du pouvoir d’achat des Français. De fait, comment les industriels vont-ils pouvoir répercuter ces hausses massives de coûts dans leur prix de vente à la distribution alors qu’ils seraient responsables – et coupables – d’aggraver les difficultés des ménages ?

Cette hausse des matières premières n’a rien de surprenant dans une économie de marché et répond à une logique simple en sortie de crise : anticipation d’une augmentation de la demande et donc des prix, en attendant un retour à la normale, d’un alignement de l’offre sur la demande. Pourtant, à observer les derniers débats, le chiffon rouge de la hausse des prix consommateur est sorti !

La Grande distribution n’a pas toujours été considérée comme le protecteur du budget des ménages. La LME (loi de modernisation de l’économie), adoptée en 2008, a marqué une véritable rupture en rendant le tarif des industriels négociable. L’industriel n’est plus maître de son prix de vente à la Grande distribution qui décide pour lui.

De fait, la hausse des coûts de production et les investissements (innovation, création d’emplois, emballages plus verts, recyclage,…) sont intégralement supportés par l’industriel. Quand on donne la possibilité légale à une entreprise d’acheter toujours moins cher, elle aurait tort de s’en priver ! Nous ferions tous pareils. Là n’est pas la question.

Le consommateur est gagnant mais plus pour longtemps

Cette politique a atteint son objectif et a bénéficié aux consommateurs, dans un premier temps, avec des produits et denrées de qualité vendus à des prix raisonnables, voire à bas prix. Mais, à moyen et long terme, elle est mortifère pour les consommateurs et l’indépendance économique française.

En effet, cette pression à la baisse constante sur les prix agricoles et des transformateurs appauvrit l’outil industriel en amont et donc amenuise drastiquement les possibilités d’investir, de créer des emplois, d’augmenter les salaires. En d’autres termes, elle désindustrialise et tue le pouvoir d’achat des Français qu’elle était censée favoriser.

Il faut sortir de cette logique, rebâtir une politique de l’offre : la création de richesse et de valeur s’effectue dans l’entreprise et non à l’aval consommateur. Les transformateurs doivent pouvoir retrouver le respect de leur tarif de vente au bénéfice de l’ensemble de la collectivité.

PME et multinationales : pas d’amalgame 

Aussi, quand on parle « industriels » ou « fabricants des produits de grande consommation », ayons à l’esprit qu’il en existe deux catégories : les industriels multinationaux et les industriels PME.

Les premiers sont des entreprises d’envergure internationale, plutôt hors sol, adeptes de la délocalisation financière et industrielle. Ils ne sont liés au territoire sur lequel ils produisent que pour des raisons le plus souvent opportunistes : fiscalité avantageuse, connectivité aux centres de décision, bassin d’emplois, … En un mot, ils n’auront aucun scrupule à quitter le territoire en question quand ces avantages disparaîtront pour s’installer sur un autre !

A l’inverse, les PME sont par définition authentiques et locales, ancrées dans nos régions. Ce lien avec le territoire est réel, culturel. En effet, si d’un côté les PME façonnent le territoire en créant de l’emploi, du lien social, en participant à son rayonnement économique, elles sont aussi dépendantes de leur territoire. Leurs fournisseurs agricoles et de matières premières en sont issus. Leurs produits sont l’émanation d’un terroir, d’un savoir-faire particulier. Les PME ne pourraient fabriquer et donc s’installer ailleurs.

Ainsi, favoriser les PME des Territoires, c’est faire un acte citoyen en faveur de l’origine française et de l’emploi local et donc du pouvoir d’achat des Français.

Les enseignes de la Grande distribution ont aussi un rôle important à jouer en ne traitant pas les PME comme des multinationales. Elles le font déjà. Il faut aller plus loin. Poursuivre le discernement dans les relations commerciales en faveur des PME en acceptant des hausses raisonnables de tarif et en leur donnant une place de choix dans les rayons des magasins.

Aujourd’hui, seul 20% des linéaires sont destinés aux marques PME françaises (vs. plus de 50% pour les marques multinationales). Alors que les Français en veulent plus ! 1 produit sur 2 devrait être de marque PME française, selon une récente étude (« Les Français et les PME », Occurrence, 2021).

Sans cet équilibre, respect des tarifs de vente des PME et discernement, il est clair que ce sont les PME en tant qu’acteurs économiques les plus faibles qui vont devoir supporter les hausses de prix des matières premières. Soit, in fine, nos territoires et l’emploi local.

Le risque est grand de faire de nos PME des Territoires la variable d’ajustement du pouvoir d’achat des Français. La prochaine loi EGAlim 2 sur l’alimentation, hélas, le confirme et aggrave la situation.

Or, sacrifier les PME « équivaudrait à brûler ses meubles pour se chauffer » (L. Von Mises). Ce n’est pas viable à long terme ni pour notre appareil productif, ni pour notre souveraineté alimentaire et industrielle, ni pour notre pouvoir d’achat.

Dominique Amirault
Président de la FEEF (Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France)

Tribune publiée dans le Cercle Les Echos le 28/09/2021