Bio : quelles stratégies de rebond ? Interviews de Geoffroy Blondel de Joigny & Kilian O’Neill, Cofondateurs de NATUROPERA

A l'occasion d'une édition spéciale Natexpo de Passerelle (La Lettre de la relation PME/ETI - Enseigne publiée par la FEEF), Geoffroy Blondel de Joigny & Kilian O’Neill, Cofondateurs de NATUROPERA, répondent à nos questions.

Quelles stratégies de rebond mettez-vous en place ?

GBDJ et KON : Diversification : A travers ses marques distinctes, Naturopera intervient à la fois en circuit bio, dans la GMS, en pharmacie, sur Internet en direct (sites par abonnement) et en indirect (revendeurs et market places) ainsi qu’à l’export. De cette manière, la société est moins exposée aux aléas de chacun des circuits.

Positionnement : Grâce au lancement de notre usine de production de couches écologiques à Bully-les-Mines (Hauts de France), Naturopera peut apporter une valeur supplémentaire à ses consommateurs :

•Le made in France, qui est très peu présent en GMS, dans un marché de « commodities » où les marges sont extrêmement challengées (90% des couches vendues en France viennent de l’étranger pour cette raison).

•L’innovation, rendue possible grâce à l’internalisation de notre outil de production : un test a été récemment mené avec succès pour créer une couche bébé à 90% naturelle et biodégradable : un premier pas vers une différenciation porteuse de valeur à long-terme.

Politique d’internalisation : Dans un contexte où l’on pourrait s’attendre à réaliser des plans d’économie pour préserver ses marges, au regard d’un contexte très tendu en termes de négociation à l’achat comme à la vente,

Naturopera a choisi volontairement de maintenir ses choix porteurs de sens sur le long terme pour gagner en cohérence et multiplier sa force de frappe :

•Accroître notre Force de Vente, parce que l’exécution opérationnelle est au cœur de la bataille de demain. Ainsi l’internalisation de la force de vente est restée l’une des clés de voute de la stratégie que ce soit en réseau GMS mais aussi en réseau bio.

•Internaliser notre production, parce que nous pensons que la transparence vis-à-vis du consommateur reste une valeur RSE à long terme et qu’elle n’est possible que si nous agissons par nous-même : contrôle des produits, gain en maîtrise des coûts.

•Internaliser notre logistique grâce à un site commun avec la production afin d’acquérir une compétence supplémentaire et augmenter notre satisfaction client.

Comment voyez-vous l’avenir de la bio ?

GBDJ et KON : Après de nombreuses années de croissance de la bio sur les différents réseaux que sont les magasins spécialisés, le web et la GMS, la crise actuelle que nous traversons (hausse des matières premières sans précédent combinée à l’émergence d’une nouvelle offre « 0% », « sans » qui  rassure sans avoir l’exigence du cahier des charges de la bio) nous force à repenser drastiquement les stratégies que nous avions sur les cinq prochaines années.

La bio seule ne suffira pas à convaincre le consommateur d’acheter. Auparavant, en effet seul le mot « bio » suffisait à déclencher un acte d’achat, dans un contexte de recherche de sécurité des produits du quotidien. Désormais, la bio doit être accompagnée de preuves affichées et prouvées, qu’elles soient sociales, sociétales et environnementales, ce que nous appelons la « bio augmentée » Par exemple, la bio du bout du monde crée un malaise chez les consommateurs, ainsi que la bio issue de grands groupes. La bio innove peu en copiant les innovations des marques conventionnelles de la GMS, ce qui ne la différencie pas.

Enfin, la promotion et la communication sont restées le parent pauvre des marques de la bio qui ont tout misé sur le produit, parfois au détriment de la commercialisation et de la visibilité.

Ainsi, le soutien de la demande passera d’abord par une meilleure différenciation de nos produits vs le conventionnel, à commencer par l’innovation. De plus, en limitant la hausse des prix au maximum malgré une évolution très significative des coûts d’achats. Enfin, en travaillant main dans la main avec les distributeurs afin de travailler l’expérience client en magasin. Il est vrai que nous nous sommes laissés porter ces dernières années par la croissance facile de la bio, et qu’il faut redoubler à présent d’efforts pour reconquérir les clients laissés dans l’incompréhension de l’offre ou des tarifs pratiqués par les enseignes bio.

Quelles sont vos préconisations d’implantation du bio en GD ?

GBDJ et KON : L’offre bio doit être considérée comme une gamme à part entière au sein du rayon. Elle est un apport au même titre que la MDD, les premiers prix et que les marques conventionnelles. Nous ne pensons pas que des rayons spécifiques bio permettent de valoriser l’offre et recruter de nouveaux consommateurs ; au contraire, ces rayons ne seraient visités que par les seuls consommateurs déjà conquis et ne feraient pas leur travail de conversion du consommateur.

Or l'offre bio est créatrice de valeurs économiques, environnementales, locales, sanitaires et sociales. Il faut la développer.

Pensez-vous que les réseaux spé pourraient utiliser des outils marketing pour se démarquer de la bio en GD ?

GBDJ et KON :Il nous semble évident chez Naturopera que dans la période dans laquelle nous sommes, il est plus que nécessaire que le réseau bio se mette à pratiquer des promotions régulières intéressantes pour le consommateur afin de le recruter et de le fidéliser. Nous pourrions imaginer des remises tractées ou des accords avec des sociétés de service (catalina, etc…) pour que les marques puissent avoir la possibilité de dynamiser les rayons avec des offres ponctuelles.

L’expérience magasin est aussi à reconsidérer avec l’intérêt visuel que représenteraient les PLV/ILV et le rayon.

Il y a quelques années, il y avait de plus systématiquement un(e) naturopathe en magasin et du conseil tout au long de l’acte d’achat par le personnel, ce qui a été délaissé depuis.

Il faudra renouveler l’expérience magasin comme certaines enseignes à l’instar de Grand Frais l’a démontré récemment.

Il faudrait reconsidérer l’offre / assortiment qui parfois reste d’un autre âge, et afficher les bienfaits des produits (exemples meubles vrac) : Il n’est pas rare de voir encore des consommateurs perdus devant le rayon vrac, ne sachant pas l’apport des nombreuses graines proposées.

Enfin, il y a un sentiment chez les marques de la bio que les enseignes les perçoivent comme des concurrents potentiels plutôt que des apporteurs d’affaire. Tandis qu’en GMS, Naturopera réalise un travail de captain category en rayon, promo, inno… pour apporter son conseil sur la catégorie écologique, cela n’a jamais pu se réaliser en magasin bio, pourtant berceau de l’entreprise.