Questions à Didier Onraita-Bruneau, Co-fondateur et Président de Day by Day

Créé en 2013, day by day est aujourd’hui le premier réseau européen d’épiceries 100% vrac. En développant dès l’origine une approche collaborative avec ses fournisseurs, day by day augmente continuellement la réduction des déchets d’emballage sur l’ensemble de sa chaine de valeur, tout en remplissant son objectif de réduction du gaspillage alimentaire à domicile par la généralisation du vrac.

LA FEEF : Pourquoi avoir créé une enseigne spécialisée vrac ?

Didier Onraita-Bruneau : notre objectif majeur est d’apporter des solutions marchandes pour promouvoir la consommation responsable pour tous. Intervenant depuis une trentaine d’années dans la grande consommation, David Sutrat, co-fondateur de l’entreprise et moi, avions une conscience aigüe des impacts colossaux associés au gaspillage et notamment au gaspillage alimentaire.
Il nous a semblé que de permettre à chacun d’acheter la juste quantité au juste moment pouvait adresser ce sujet, et donc de proposer du vrac ! Cela existait depuis toujours en France pour les produits frais, mais quasiment plus pour les PGC, pourtant générateurs de beaucoup de gaspillage, direct ou ingéré, à domicile.
A cette période, début des années 2010, la distribution désinvestissait totalement le vrac n’ayant pas trouvé de modèle économique cohérent avec ses contraintes.

Nous avons donc décidé de créer un écosystème dédié pour le vrac basé sur une centrale d’achat et des épiceries urbaines 100% vrac, toutes franchisées.

Aujourd’hui, notre réseau comprend : 76 épiceries 100% vrac centrées sur les PGC et d’une surface de vente moyenne de 55m² ; 72 sont dans les centre-ville denses (dont 2 en Belgique), 2 sont des « shop in shop » implantés au cœur d’hypermarchés et gérés intégralement comme des épiceries de centre-ville (1 en France, 1 au Luxembourg).

Nous avons ouvert mi-décembre 2020 une halle de marché en périphérie de Rennes regroupant sous un même toit, dans une ambiance de cœur de village, une épicerie day by day, un artisan boucher local, un artisan crémier local et un maraicher d’un village voisin, le tout avec un système de paiement unique particulièrement fluide pour nos clients.

La FEEF : Comment considérez-vous la problématique des déchets d’emballage de plus en plus révélée ?

Didier Onraita-Bruneau : Dès la création de notre projet nous avons pris conscience que l’énorme scandale du gaspillage était corrélé avec la tragédie des déchets d’emballage débordants et devenus ingérables. Nous avons donc également décidé d’adresser ce modèle à tous les niveaux de notre chaine de valeur, depuis les conditionnements de nos partenaires fournisseurs jusqu’au placard de nos clients.

Nous permettons donc bien entendu à nos clients d’utiliser leurs propres contenants (dans le strict cadre règlementaire, évidemment) mais avons aussi été les premiers à mettre en place une « bourse aux contenants réutilisables et remployables » en permettant à nos clients de nous déposer leurs bocaux alimentaires jusqu’alors destinés au recyclage afin qu’ils soient utilisés par d’autres clients de l’épicerie.
Pour sécuriser ce système « inter clients », nous contrôlons, lavons et tarons chacun de ces contenants avant mise à disposition gratuite pour nos clients. Parallèlement, nous travaillons en continu avec nos partenaires fournisseurs pour améliorer également en amont, à leur niveau, la gestion et l’impact des emballages.

Ainsi, au fur et à mesure de notre capacité d’engagement, nous travaillons ensemble à faire évoluer les matériaux utilisés pour permettre une plus grande recyclabilité, mieux encore une compostabilité totale et, idéalement, un réemploi multiple.
D’année en année, nous demandons également à nos partenaires des conditionnements généralement plus gros, plus adaptés à la contenance réelle de nos trémies et bacs et donc permettant une moindre proportion d’emballage par kilo de marchandise transportée.

Nous avons par exemple mené un projet sur plusieurs années avec notre partenaire torréfacteur historique CAFE SATI pour passer du paquet de café en grain de 1 kilo, au paquet de 3 kilos voire de 5 kilos pour les plus grosses rotations, à la fois plus adapté à nos trémies mais également beaucoup plus économe en emballage. Le sujet était ardu car il s’agissait de garantir la qualité du café torréfié dans la durée et donc de mettre en œuvre les mêmes technologies que pour les packs de 1 kilo ; et bien entendu sans affecter le prix à la hausse.
Cela a supposé d’abord que l’un et l’autre nous ayons exactement les mêmes objectifs d’impact associés à ce projet car nous devions de part et d’autre, nous débarrasser de quelques vieux réflexes. En effet, si le paquet de 1 kilo comprend l’ensemble des éléments habituels du packaging (image de marque, INCO, traçabilité,…) ce n’est évidemment pas le cas du conditionnement développé pour le vrac qui n’est jamais exposé au client final.
Il fallait donc que CAFE SATI accepte la mise en marché de paquets au marketing neutralisé, et donc que le marketing devrait dès lors se faire radicalement d’une autre manière.
Pour que le projet s’inscrive dans la durée, il fallait que son industrialisation soit possible, tant sur le plan technique qu’économique.
Nous avons donc défini ensemble les quantités objectives de commandes annuelles à atteindre pour chaque produit et pris les engagements liés. Cela a impliqué également, de notre côté, de garantir une parfaite maitrise de notre profondeur de gamme sur plusieurs années.
 
Entre sa première évocation et sa réalisation, le projet s’est étendu sur 3 ans, a supposé des investissements de part et d’autre, mais nous sommes parvenus, ensemble, à transférer toute notre gamme de cafés CAFE SATI dans ces nouveaux conditionnements, générant ainsi une réduction d’emballage à la source de plus 30% par kilo de café livré.

La FEEF : l’action menée par day by day et l’implication de toutes les parties prenantes, du producteur au consommateur, produisent-elles les résultats attendus, notamment pour la réduction des déchets d’emballage ?

Didier Onraita-Bruneau : Depuis fin 2018 nous mesurons précisément notre impact emballage par différentiel avec ce qu’il est convenu de nommer le préemballé.
Nous identifions le poids d’emballage primaire et secondaire par kilo de produit vendu, pour chaque produit de notre offre. Notre écosystème centralisé et directif nous permet de tout prendre en compte, y compris les sachets krafts de service qui sont mis à disposition des clients dans les épiceries, puisqu’ils sont également centralisés.
Parallèlement, nous demandons à nos partenaires fournisseurs de nous fournir ces mêmes renseignements pour chacun des produits que nous leur achetons mais cette fois dans leur format préemballé le plus commercialisé.
Nous réalisons ensuite un différentiel global entre le poids d’emballages total que nous avons mis en marché versus le poids d’emballage total qu’aurait représenté la mise en marché de la même quantité de produits dans leur format préemballé le plus courant.
Actuellement nous évitons la mise en marché, donc la production, le transport et le traitement du déchet, de 72% de la masse d’emballage qui eut été précédemment nécessaire.
En poursuivant les efforts de tous, nous pensons pouvoir dépasser les 80% d’évitement dans les prochaines années.
Je sais que l’emballage constitue aussi un support de marque important pour les producteurs et transformateurs et que sa disparition des linéaires peut effrayer bon nombre de marques.
Pourtant, avec la logique de vrac et de réemploi, ce n’est pas une remise en cause de la présence des marques auprès des consommateurs qui s’annonce, mais bien le support de leur attractivité, les moyens de leur valorisation et les mécaniques de la persistance à domicile qui doivent se renouveler.
Prélever moins de ressources, utiliser moins d’énergie, générer moins de gaspillage, réduire drastiquement les déchets doit tous nous mobiliser et nous conduire à repenser les méthodes de la nécessaire création de valeur.

Propos recueillis par Olivier Collet, Responsable Relation Distribution

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